14 mars 2011
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[Dan, Olivier et Camille ont été arrêtés la nuit du 12
au 13 janvier 2011
à Belleville (Paris) suite à des tags comme « Algérie –
Tunisie /
Insurrection », « Vive l’anarchie »... Après un début
de garde à vue dans
le commissariat du XXe arrondissement, les flics de la
crim du 36 quai des
orfèvres se sont emparés de l’affaire et les ont
transférés dans leurs
locaux. La juge d’instruction Patricia Simon, a
ensuite décidé de les
envoyer en prison. Depuis, Camille est sous contrôle
judiciaire, Olivier
et Dan sont à La Santé depuis presque 2 mois (le premier
repasse devant la
juge d’instruction Simon pour interrogatoire le 11 mars
et Dan le 21
mars)...
Officiellement, l’instruction ne concerne que les tags
(des « dégradations
en réunion »), la violation du contrôle judiciaire précédent
(leur
interdisant de se voir) et les divers refus de signalement
(empreintes,
ADN). Pourtant, cette même Patricia Simon est comme par
hasard chargée de
plusieurs dossiers montés par la Crim’ du 36 quai des
Orfèvres à propos
d’attaques et de manifestations contre la machine à
expulser à Paris.
Pour rappel, Olivier et Dan, avaient déjà été mis en
examen dans le cadre
de la lutte contre la machine à expulser en février 2010
(l’un accusé de
tags dans une BNP, l’autre d’une tentative d’incendie
d’un distributeur de
billets) puis Olivier encore une fois en juin 2010
(accusé d’avoir acheté
une bombe de colle qui aurait pu servir lors d’une
occupation d’Air
France).
Enfin, suite à plusieurs petits combats avec l’Administration
Pénitentiaire, Dan a obtenu une cellule individuelle et
changé de division
(toujours à La Santé). Comme rétorsion, les matons se
sont comme par
hasard débrouillés pour égarer sa carte de circulation
interne samedi
dernier, contraignant sa famille à effectuer un parloir
avec hygiaphone,
avant de la retrouver juste après. La lutte et la
solidarité continuent,
dedans comme dehors...]
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Partout : deuxième lettre de Dan depuis la prison
de la Santé
»Peu importe de marcher quand on a des ailes
pour voler »
Comme toujours, alors que le pouvoir nous promet
l’apocalypse en tentant
de couper court à toute velléité de transformation
sociale des rapports à
coups d’incarcérations, de harcèlement judiciaire,
d’interdictions de
communiquer et de dispositifs de surveillance aux
ridicules prétentions
d’omnipotence, la lutte continue et les rencontres
brisent l’isolement de
ceux que l’on cherche à écraser en silence ; car
dans un monde de
dominations, la liberté et son combat ne peuvent
que rompre ce silence de
mort qu’ils souhaiteraient voir régner parmi ceux
pour qui cette vie de
servitude est insoutenable.
Dans la révoltes à l’intérieur des prisons pour
étrangers à travers
l’Europe [1] comme dans les mouvements insurrectionnels
massifs au Maghreb
et au Moyen-Orient, sonne le même cri de colère
: la liberté entière,
immédiate et inconditionnelle.
Partout la volonté de faire sauter la dernière
arche, partout les mêmes
cris de rage, partout ce même amour de la vie.
Mais partout aussi les
sirènes hurlantes de la répression, le bruit des
clés dans les portes
blindées, le coup de marteau cinglant du juge qui
te prive de ta liberté,
le coup de matraque du flic qui vient stopper ton
élan, le coup de feu
assourdissant du militaire qui vient transpercer
tes rêves ou le coup de
tampon du préfet qui te reconduit à la frontière.
Partout s’oppose à la lutte contre l’existant,
l’arsenal du statu quo,
qu’il soit juridique, militaire, politique ou
citoyen. On brise, on isole,
on désigne. « Terroriste », « criminel »,
« marginal », « déséquilibré »,
»saboteur », « clandestin », « despérado »,
« extrémiste ».
Quelle soit démocratique ou dictatoriale, partout
l’usine à gaz judiciaire
et policière sévit là où elle sent que son règne
s’effrite, partout où la
haine rentrée de l’oppression éclate au grand jour,
se partage et se
transforme en une joie incontrôlable, celle remplie des
rires et des
larmes de bonheur des bienheureux brisant leurs chaînes,
poignardant
l’ennui d’une morne vie ; l’échine courbée dans un
atelier, l’esprit
enfermé dans un 17 mètres carré, les mains attachées
dans un commissariat
dégueulasse ou les poches vidées dans un étal de
marchandises convoitées.
Alors ça vole, ça pille, ça rigole, ça réapprend
à courir pour de bonnes
raisons, ça tire la langue,ça refuse et ça jette
des pierres là où l’on
souhaiterait nous voir prostrés dans la frustration
d’une vie sans vie,
trop courte, trop longue. Dans le faux décorum d’une
paix sociale négociée
par d’autres que nous.
Mais la beauté se trouve du côté de ceux qui se
révoltent.
Dans une période de « crise » où les gens ont de moins
en moins de choses à
perdre, le pouvoir ne peut que craindre tout élan de
liberté réelle. Je ne
parle pas des éternelles Cassandres de la gauche,
qu’elles soient
parlementaires ou de Tarnac [2] ; je ne parle pas
de toux ceux ceux qui
voudraient nous faire croire que pour se débarrasser
de tout pouvoir, il
faudrait d’abord y accéder, ni de tous ceux qui
pensent qu’il faut se
contenter des armes que nous concèdent ceux au
pouvoir pour mener nos
luttes, non, ne soyons pas si pessimistes et
résignés.
Soyons infidèles, incontrôlables et ingouvernables.
Il paraît clair, en ce qui me concerne, qu’Olivier et
moi ne sommes pas en
prison pour quelques tags, ni même pour un non respect
d’obligations
judiciaires, nous sommes incarcérés en raison d’un
rêve que nous portons
profondément dans nos coeurs, l’absence totale
d’autorité, la volonté de
combattre la mort qu’est cette vie que l’on veut
nous faire endurer, et
parce que nous n’avons jamais hésité à prendre
la rue pour en discuter,
pour exprimer ces désirs de liberté à tous ceux
qui voulaient bien en
discuter avec nous et les partager. Nous sommes
incarcérés pour ce que
nous sommes, non pas pour ce que nous avons ou
aurions fait, ce ne sont
que des prétextes.
Le fait que tout continue, que les discussions,
tables de presse, débats,
nouvelles rencontres et actions ne fassent que
se multiplier depuis nos
arrestations montre bien que pour étouffer nos
révoltes et nos
solidarités, les pouvoirs en place et le pouvoir
en général ne pourront
qu’abdiquer ou être détruits, et les dernières
révoltes dans les pays
arabes nous montrent aussi que ce désir est
plus fort que les balles,
aussi vrai qu’il voyagera toujours à travers
barreaux et panoptiques.
Spéciale dédicace à tous ceux qui, en Libye
comme ailleurs, jouaient en
cachette aux fléchettes sur les portraits de
leurs oppresseurs et qui
aujourd’hui jouent avec d’autres armes, et
le rire aux lèvres.
Une autre pour tous ceux qui ne restent pas
au chaud malgré la répression,
rage et courage !
Ni patries, ni frontières, ni nations.
Ni justice, ni paix.
Liberté. Partout !
4 mars 2011, depuis la Maison d’Arrêt de La Santé,
Dan
PS : Vous pouvez toujours m’envoyer vos pensées,
de la manière que vous
estimerez la plus adéquate, et notamment par
courrier en français ou
anglais à : Sayag Daniel - n° 293350 - 42 rue
de la Santé - 75 674 Paris
cedex 14
[1] ... comme par exemple à Vincennes près de
Paris, Gradisca, Trapani,
Turin et Modena en Italie, ou Steenokkerzeel
à Bruxelles, où les
sans-papiers enfermés en centre de rétention
se sont révoltés fin février,
incendiant leurs cages, s’évadant et saccageant
le mobilier.
[2] Cf. la proposition des « 10 de Tarnac »
adressée à la bourgeoisie dans
son journal préféré, Le Monde du 25 février
2011, où ils proposent à
Sarkozy de s’exiler dès maintenant (mais aussi
où ils tentent encore une
fois de récupérer des camarades et compagnons,
tout en minimisant à chaque
fois les faits que l’Etat reproche à
ces derniers, et en les sortant de
leur contexte de lutte).
Published by liberta (Leslie R)
-
dans
les conditions d'enfermement en France
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